De la construction de mes addictions
Je m’aperçois que mes goûts d’adulte se sont construits dans la petite enfance.
Si j’essaie de replonger dans mes premiers souvenirs, je retrouve tous les ingrédients de mes addictions culinaires actuelles.
Voici quelques unes de mes marraines en cuisine et ce qu'elles m'ont apporté :
Vers 3 ans, chez ma première nourrice vosgienne, les pommes de terre sautées aux lardons. Je me rappelle encore de l’odeur.
Deuxième nourrice, sicilienne cette fois-ci, j’avais entre 4 et 8 ans. Je crois que c’est là que tout s’est construit.
Les enfants passaient toute la journée dans la cuisine, où Mme Orlando (c’était son nom) agitait ses marmites toute la journée.
Ça sentait bon !
Toute l’alchimie de la cuisine italienne : les tomates, l’huile d’olive, le basilic, les pasta, pizza, risotto….
J’ai un souvenir précis de cette époque : le parmesan.
Le mari de ma nourrice portait des sandales et avait de gros orteils poilus.
Je
ne sais pas pourquoi j’étais convaincue que c’était lui qui fabriquait
le parmesan qu’on servait tous les midi, avec une lime en râpant entre
ces orteils.
C’est vous dire l’odeur que dégageait ce parmesan.
Depuis, j'ai essayé de limer l'espace entre mes orteils, mais je n'ai jamais réussi à faire de parmesan.
Troisième nourrice (vous allez dire, je les ai épuisées)
Françoise…
La
plus tendre, la plus douce et la plus maternelle des femmes que j’ai pu
rencontrer. Cette femme était d’une générosité incroyable et aux petits
soins pour les enfants qu’elle gardait, en fait nous n’étions que deux
privilegiés (mon frère et moi).
Dans les petits plats mitonnés par Françoise, des choses très simples, mais que nous adorions.
Pour
donner un exemple de la gentillesse de Françoise, elle savait que
j’adorais les crevettes grises que je dévorais avec des tartines de
pain de seigle au beurre salé.
Et bien Françoise était capable de
passer la matinée à me dépiauter des centaines de crevettes pour que je
les dévore sans pitié en 2 mn en rentrant de l’école.
Sinon, la salade de
carotte râpées dans laquelle elle ajoutait quelques cuillères de sucre,
seule façon de m’en faire manger. Et puis aussi les escalopes de veau
à la crème toutes fines, toutes fines avec leurs igloos de riz.
Autres femmes, autres sources d’inspiration : mes grand-mères
Lucie : renommée pour ses talents de
cuisinière paraît-il.
A Noël, je me suis plongée dans toutes les
recettes qu’elle a pu collecter tout au long de sa vie.
Des tas de
petits bouts de papier, de cahiers commencés, d’articles découpés, des
dos d’enveloppe, des recettes échangées avec d’autres écritures que la
sienne. Je pense qu’un jour j’essaierai d’en faire quelque chose.
Dans les spécialités de ma grand-mère, les caroline au jambon, dont j’ai déjà parlé, les quenelles, la tarte au fromage, le pâté de tête, le pâté en croûte.
C’était une cuisine très traditionnelle, un peu lyonnaise j’ai l’impression.
Ma
grand-mère était aussi une jardinière et faisait tous ses légumes,
source de merveilleux souvenirs d’enfance dans ses jardins : cueillir
les petits pois,
les haricots, déterrer les carottes et les pommes de tere…
Elle
élevait aussi ses lapins (ce qui m’a valu un souvenir traumatisant de
manteau en lapin angora que j’ai du porter quand même une fois à une
messe de Noël).
Et puis elle faisait son eau de vie (je crois
même qu’elle avait une autorisation de bouilleur de cru).
Mais là à
part faire un petit canard dans son café, mes souvenirs s’arrêtent là.
Irène : ma grand-mère maternelle cuisine aussi très bien.
Mon grand-père a lui aussi un jardin et jusqu’à il n’y a pas très longtemps, il avait des lapins et des poules.
Irène fait une cuisine très traditionnelle, de la campagne.
J’aimais
particulièrement ses soupes (les meilleures que je n'ai jamais mangées),
avec énormément de légumes dedans, et puis aussi sa blanquette de veau
(inégalée elle aussi), son lapin sauté (pareil je ne sais pas cuisiner
le lapin comme ça : tendre, plein de goûts) et les fabuleuses cuisses
de grenouilles sautées (que mon grand-père allait chercher).
Elle cuisine aussi très bien les crudités : salades de choux, salade de carottes, de pommes de terre…
C’est également une très bonne pâtissière, et moi qui n’ai pourtant pas la bouche
très sucrée, j’adorais son biscuit de savoie et ses îles flottantes.
Je me rends compte que ce qu’on aimait, mon frère et moi quand on mangeait chez mes grand-mères, c’est qu’on savait ce qu’on allait manger (les plats qu’on préfèrait) et qu’ils auraient toujours le même goût, inimitable.
Contrairement à moi qui ne fait jamais deux fois le même plat et si ça par hasard, je me risque à refaire une recette, elle n’aura jamais le même goût que la fois précédente.
Et puis évidemment, ma mère…
Mais c’est plus difficile de définir ce que la cuisine de ma mère m’a apporté, car elle était quotidienne.
Et
ma mère a le même défaut que moi, en fonction des moments, elle ne fait
pas les mêmes recettes. Elle est par exemple la spécialiste des
recettes testées pour la première fois quand elle reçoit du monde.
Il
y a quand meme deux, trois constantes : le roti de porc aux pommes et
au cidre, le poulet au gruyère (qu’elle ne fait plus, parce que c’était
horriblement calorique, mais monstrueusement bon), les chaussons au
poulet, les pommes de terre farcies au mascarpone.
Mon frère et moi, on s’est très vite mis à jouer dans la cuisine à notre tour.
Sébastien en faisant de la musique dans la cuisine avec les casseroles.
Puis en expérimentant vers 3 ans une recette bizarre :
dans
des petits ramequins, mettre des morceaux de jambon, du sucre, du lait,
des croutons de pain, un œuf et des morceaux de gruyère. Faire gratiner
le tout au four. Déguster sans tarder. (Non, vraiment pas , vous êtes
sûrs).
Ensuite quand on était plus grand, on avait une drôle de
manie, dès que mes parents s’absentaient en nous laissant seuls à la
maison, on filait à la cuisine pour se faire des trucs bizarres à
manger : par exemple de notre laboratoire culinaire est sorti :
Les
vermicelles de pâtes (pour mettre dans des soupes normalement), qui ont
la particularité de cuire très vite et qu’on avait le temps de manger
avant que mes parents rentrent, mélangés avec du basilic (pas frais) et
du gruyère. On adorait !
Ou bien les pâtes avec tout ce qui te tombe
sous la main comme fromage (mais là on se faisait tout de suite gauler,
rien qu’à l’odeur).